Les bouleversements révolutionnaires allèrent jusqu’à modifier les noms des rues des villes en général et plus particulièrement du Havre. C’est ainsi que, de septembre 1792 à la fin de l’année 1794, pas moins de 39 rues sur 45 perdirent leurs noms traditionnels plus ou moins empreints de références religieuses et furent renommées selon les valeurs prônées par la Révolution :

Registre des délibérations du Conseil général de la commune du Havre

19 frimaire An II (9 décembre 1793)



1Dfr4 (f° 178 v°, 179 r° et v°)



[Extrait]

Le Novodi de la seconde décade de Frimaire deuxième année de la République françoise une et indivisible […] le Conseil aïant entendu le rapport de la commission chargée de lui proposer les noms à substituer à ceux des rues et places de cette ville qui peuvent rappeler des idées de féodalité, de fanatisme et d’ancien régime, a délibéré le procureur de la commune entendu que les noms de plusieurs rues et places de cette commune seront changés et que ceux-ci-après leur seront substitués.

Cette délibération présente ensuite le tableau de concordance des anciens et nouveaux noms dont voici les plus politiques : rues de l’Unité, Régénérée, de la Montagne, de l’Education, des Jacobins, de Paris, de Brutus, de la Révolution, Guillaume Tell, des Hommes Libres, de la Raison, de l’Egalité, de la Propreté, de Socrate, de la Fraternité (place), de Diogène, de l’Humanité, de Solon, Affranchie, des Vétérans et de l’Equité. Le nom même de la ville fut modifié en Havre-Marat de novembre 1793 à janvier 1795, comme ce fut d’ailleurs le cas pour nombre d’autres communes françaises.

La municipalité jacobine du Havre tomba le 6 octobre 1794 et la nouvelle équipe municipale supprima une partie des noms révolutionnaires dans les semaines et mois qui suivirent.

Registre des délibérations du Conseil général de la commune du Havre

19 pluviôse An III (7 février 1795)



1Dfr9 (f° 80 r° et 81 v°)



[Extrait]

Ce jourd’hui dix neuf Pluviose l’an troisième de la République françoise une et indivisible, […] le Conseil général de la dite commune a repris sa séance publique. Elle est ouverte aux cris de Vive la République, Vive la Convention nationale […]. Le Conseil général aïant entendu le rapport de son Bureau des Monuments publics sur la pétition individuellement signée par plusieurs citoïens réunis en Société populaire en cette commune aïant pour objet le changement des noms de plusieurs rues, considérant que la plus part des nouveaux noms donnés aux rues par la délibération du 19 frimaire de l’an 2e [9 décembre 1793] sont insignifiants, qu’ils jettent de la confusion dans les abornements et les titres de propriété et contribuent à rendre aux habitants leur propre commune étrangère, que pour remédier à ces inconvéniens il est à propos de donner aux rues les noms sous lesquels elles étoient le plus vulgairement connues, ou qui tiennent à la localité et à l’histoire de notre commune

La délibération expose ensuite les noms des rues devant changer : les rues de l’Unité, Régénérée, de la Montagne, de l’Education, des Jacobins, de Paris, de Brutus, de la Révolution, Guillaume Tell, des Hommes Libres, de la Raison, de l’Egalité, de la Propreté, de Socrate, de Diogène, de l’Humanité, de Solon, Affranchie, des Vétérans et de l’Equité. Parmi les noms maintenus, celui de la place de la Fraternité est le seul véritablement politique à être maintenu.